Je viens de passer six semaines à Paris en étudiant la grammaire et la littérature françaises. Moi, je suis un jeune américain (ou, plutôt, états-unien), ce qui n’est ni unique ni spéciale, surtout en été. D’abord, je vais vous dire que j’ai certainement aimé mon séjour à Paris. Comme je suis d’un pays dont la culture est de base anglo-saxonne (mais il faut noter que c’est complémentée par des éléments essentiels d’autres cultures, sans quoi la culture ne serait pas comme on le connaît actuellement), je n’étais pas habitué à être entouré par une richesse de tradition dans tous les domaines de la société, sauf dans la maison, bien sûr, car ma famille vient du Salvador (pour votre information : le Salvador est un tout petit pays situé en Amérique Centrale, pas Amérique du Sud). Donc, vous pourriez vous imaginer l’heureux que j’étais quand j’ai fait la connaissance de la bonne vie française : les baguettes, le vin, le fromage, les repas longs, parmi d’autres choses. Tout d’un coup, je suis tombé amoureux. Tout d’un coup, pourtant, tout cela c’est fini dès que je suis entré dans l’avion pour repartir à mon pays, à la vie avant de Paris, de l’Europe, et de jeune homme libre.
Cependant, ne vous contentez pas de ce que je vous viens de raconter : c’est vrai, et vous le savez, que la France est plein de bonnes choses. Comme j’ai dit, globalement, mon séjour à Paris, c’était bon ; mais cela cache les moments où j’ai éprouvé la mal aise. Je ne parle pas de rater le dernier métro après une bonne soirée, et donc, avoir besoin d’attendre le Noctilien pour m’emmener chez moi dans le 17ème, soit depuis la Bastille, ou le Marais, ou le Montparnasse. Non. Ce n’est pas du tout cela. Regardez : mon nom est Pacheco, qui est d’origine espagnole/portugaise, et il n’y pas eu beaucoup d’immigration espagnole ni portugais jusqu’aux Etats-Unis pendant les époques d’immigration européenne, car ces peuples se sont plutôt allés à l'Amérique latine pendant cette époque-là, c’est logique. Bien sûr, je suis fils de parents immigrés d’un pays latino-américain.
En France, après avoir « dévoilé » ma nationalité américaine, voyant mon visage matte, on me demandait : « De quelle origine êtes-vous » (On a souvent pensé que j’étais arabe, et c’est grâce aux ans sur ans de mélange dans ma famille). « Origine ? », me demandais-je, perplexe. Ce mot me fait penser aux origines de quelqu’un, comme les origines de beaucoup d’américains, ou d’argentins, ou de mexicains, qui peuvent être allemande, irlandaise, ou bien, polonaise. Moi ? En ce qui concerne la « race », je suis un métis d’origine mélangée d’espagnole, italienne et amérindienne, et peut-être africaine (pourquoi pas, c’est l’histoire de l’Amérique entière, le manque de connaissance des origines de soi). En France, on parlait de mon « origine », en effet, la Salvadorienne, comme si c’était celle d’un pays de culture atavique comme celle de la France, ou l’Angleterre, le Maroc, ou la Chine.
Non. Le Salvador est un pays composite, comme les Etats-Unis, et, effectivement, comme presque toute l’Amérique, depuis le Canada jusqu’au Chili : ce sont des pays fondés par la conquête brutale et l’immigration des Européens, et dont les classes dominantes actuelles sont composées par des blancs, en forme de « pur » blanc, ou métis, ou mulâtre. C’est à cause de mon maudit visage (bon, moi, personnellement, je le trouve assez beau), que j’ai dû éprouver des moments que la majorité de mes amis dans le programme universitaire n’en ont dû : faire peur aux gens (surtout les femmes âgées) en marchant dans une rue abandonné, faire provoquer du soupçon parmi le personnel d’un magasin, ou être la seule personne, j’imagine, qui a dû montrer la carte de membre universitaire quand j’ai voulu accéder l’école pendant le week-end, ou bien, être méprisé dans un magasin en étant ignoré pour aider une personne blanche américaine d’origine je sais pas quoi dans un magasin….Enfin, discrimination de toute sorte. Est-ce que je n’ai pas le même privilège d’un américain d’origine pure blanche ? Apparemment pas. On ne me confère pas mon identité, on l’enlève, on le mécompte. Cela s’est passé à mes amis « Africain Américains », auxquels on leur demandait leur origine, et c’est pire pour eux. Mais c’est idiot, cela ! Je suis sûr qu’ils n’ont jamais été demandés leur origine chez eux, c’est logique. Néanmoins, à Paris, on insistait sur savoir leur origine. Qu’est-ce qu’ils allaient dire dans ce cas : « Je suis le petit-petit-petit-petit-petit-petit-petit-petit fils d’esclaves » ? Ne connaissez-vous pas l’histoire de l’esclavage ? « Non, vous n’êtes pas américain ! Ce n’est pas possible ! », comme s’ils avaient le droit de décider ce qui est définitivement vrai ou pas. Vous voyez, cela enlève leur identité. S’ils ne sont pas américains, comme les Français se sont souvent fait croire, qu’est-ce qu’ils sont, alors ? En effet, l’ignorance n’appartient pas seulement aux Américains, apparemment.
Je vais vous dire que, parfois, j’ai un accent presque parfait quand je parle Français (parfois c’est mauvais). Selon le contexte, c’était une bonne chose, ou une très mauvaise chose, parler bon Français. En entrant dans un taxi, le conducteur m’a demandé « Tu vas payer ? » Quand j’allais à l’immeuble de mon école à Paris (dont le propriétaire est Columbia University) pendant le week-end, bien que c’est une règle de demander une pièce d’identité de chacun qui veut entrer pendant le week-end, le personnel m’a toujours demandé une pièce d’identité, sauf après longtemps, quand il a commencé à me reconnaître. Aussi, les dames âgées avaient peur dans la rue quand je marchais vers elles. Le fait c’est que mon visage était menaçant, appamment. Et j’ai jamais dû éprouver la discrimination comme je l’ai fait à Paris.